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La pub Coinbase du Superbowl vend le FOMO, pas le futur

Chaque année, l'entracte du Superbowl est l'occasion pour des marques et artistes de s'afficher. Cette année, l'invité notable était la cryptomonnaie.

Cette finale de la saison 2021 du Superbowl a aussi été un coup de Crypto-bol.

Attention, les publicités liées à des cryptomonnaies n’ont pas non plus submergé le temps d’audience ou détrôné les autres marques traditionnellement présentes. La majorité de ces dernières étaient bien entendus davantage représentées par des bières et autres boissons, des voitures ou des bande-annonce de films, que par des pubs pour des cryptomonnaies.

Mais une entreprise spécialisée dans le domaine a réussi à faire un peu plus de bruit que les autres, dans une communication figurant parmi l’une des plus vue, commentée et lucrative de toute l’année, et dans l’espoir de réussir à attirer de nouveaux clients (en plus de l’audience majoritairement masculine et jeune qui ne jure déjà plus que par ces monnaies digitales). Mais malgré l’engouement provoqué par ce moment, aucune de ces publicités diffusée lors de l’un des événements sportif les plus médiatisé de la planète, n’essaye réellement de vendre quelque chose de concret, mais plutôt de faire envisager aux gens à dépenser son argent en cryptomonnaie.

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FOMO : se jouer de notre connexion permanente

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Pour bien comprendre l’objectif de, cette publicité dans un premier temps, ainsi que de l’entreprise derrière. Mais aussi de tout le marché impliqué dans la cryptomonnaie dans un second temps. Il me semble important de préciser ce qu’est le terme utilisé dans le titre de cet article : FOMO

FOMO est l’acronyme de l’expression « Fear Of Missing Out« , et qui pourrait se traduire par « Peur de rater quelque chose ».

Il s’agit d’une expression plutôt récente et popularisée par l’expert en marketing Dan Herman, et qui est une sorte d’anxiété sociale caractérisée par la peur constante de manquer une nouvelle importante ou un autre événement quelconque donnant une occasion d’interagir socialement. Celle-ci a notamment été renforcée ces dernières années par la montée en puissance de la téléphonie mobile, ainsi que celle des réseaux sociaux.

Le fait d’être désormais connecté en permanence et d’avoir accès à toutes les informations et liens sociaux possibles et imaginables à n’importe quelle heure de la journée, fait que l’idée même de passer à côté de quelque chose, d’une information importante, d’une nouvelle mode ou même d’un message non-lu, provoque chez beaucoup un sentiment de malaise et d’anxiété à l’idée même d’être déconnecté de tout cela.

Et c’est sur ce principe psychologique que certaines marques jouent : soldes limitées en temps ou en nombre d’exemplaires, articles exclusifs (qui ne reviendront plus jamais si vous ne les achetez pas maintenant !)… Tout autant de techniques marketing qui ont pour but d’induire une idée : Vous ne pouvez pas louper ça (et vous ne devez donc pas vous déconnecter pour être sûr de ne rien louper)

Et toute la folie cryptomonnaitaire qui semble s’être emparé des esprits depuis plusieurs années, tendant à se démocratiser de plus en plus, utilise également cette méthode (du moins pour les entreprises qui cherchent à trouver des clients et faire des bénéfices) afin de véhiculer cette même idée : « Il y a des opportunités et de l’argent à se faire, vous ne voudriez quand même pas rater le train ? » – Comme ce le fût appliqué lors de la mi-temps du Superbowl cette année, le tout vendu par des icônes afin de renforcer davantage le message : « Si [Star de cinéma] me dit que c’est une occasion à ne pas manquer, c’est que ça doit être vrai ! »

Tout savoir et être partout à la fois, est devenu à la fois un pouvoir formidable, mais également une arme à double tranchant venu saboter nos vies et nos interactions.

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LeBron James y était (avec une version rajeunie de lui même) pour promouvoir le site Crypto.com. Larry David a comparé « louper la crypto » à passer à côté de l’invention de la roue, de l’homme qui pose le pied sur la lune, ou de l’idée de la musique portable., et ce pour promouvoir FTX. eToro quant à eux ont vendus l’idée que faire partie de la communauté crypto était une « nouvelle forme d’investissement social ». Même la bière « Budweiser Bud Light » a montré une publicité où elle dévoilait ses premiers « Drops NFT ». 

Et enfin, le code QR rebondissant d’un bord à l’autre de l’écran, en souvenir nostalgique des écrans de veille des lecteurs DVD, offrait la possibilité de gagner un Bitcoin aux utilisateurs qui s’inscrivaient en suivant le code. Cette dernière, bien que manquant d’un caméo d’une célébrité, a été l’une des sensation de cette soirée, et a été l’une des plus discutée sur les réseaux. Tous ont dit qu’il s’agissait peut être là du plus gros coup de com’ jusqu’à ce jour venu du paysage crypto, à une échelle nationale.

Certaines des ces publicités étaient particulièrement efficaces. Celle de Coinbase en particulier, est véritablement sortie du lot, avec l’entreprise qui reportait un nombre ahurissant de l’ordre de 20 millions de connexions sur son site en une minute : assez de trafic pour faire crasher temporairement l’app et le site. C’est plus de visites que l’entreprise n’ai jamais eu depuis qu’elle existe. Le matin suivant, Coinbase était la seconde application la plus téléchargée des États-Unis sur l’AppStore d’Apple.

« Plus de détails. Nous avons reçu plus de 20 millions de vues sur notre landing page en une minute. C’était historique et sans précédent.

Nous avons également vu un engagement 6 fois supérieur à nos mesures précédentes. Nous vous attendons sur drops.coinbase.com »

Mais la tournure prise par ces différentes campagnes est aussi révélateur, à savoir quels éléments de la blockchain (concept et technologie décentralisée sur laquelle sont basées toutes les cryptomonnaies) ont été présentés au public. Dans la plupart des cas, les publicités ne s’attardait que sur les échanges et les aspects les plus basiques de l’investissement dans les cryptomonnaies : rendre ça facile à comprendre et accessible. Il n’y avait pas de pub pour des NFT, pas d’allusions aux « Bored Ape Club » (collection de NFT la plus médiatisée ces derniers mois), ni même la mention du propre NFT dédié au match que la NFL avait créé pour l’événement.

Ces publicités étaient d’avantage tournées vers le côté pratique des utilisations des cryptomonnaies, faisant partie intégrante du discours de vente du « Web3 » qui préfigurerait l’internet du futur décentralisé, tout comme le contenu généré par l’utilisateur et les réseaux sociaux ont dirigé l’ère du Web 2.0.

Si le Superbowl de cette année devait être l’occasion pour la blockchain de faire son entrée auprès du grand public, les entreprises issues de cette dernière ont été remarquablement peu bavardes concernant la manière dont cette technologie fonctionne, ou bien ses utilisations pratiques et les avantages qu’elle apporterait à ses utilisateurs au jour le jour. Au lieu de ça, le discours de ces entreprises était étincelant, s’appuyait sur l’image de célébrités, forçant son message dans les mémoires afin d’entraîner de potentiels nouveaux acheteurs dans son sillage (en somme, inciter les gens à monter dans le train avant que ce dernier ne parte sans eux).

Ces crypto-joueurs venus promouvoir leur entreprise cherchaient en réalité davantage à vendre l’idée des cryptomonnaies au sens large, à dire aux spectateurs que c’est le moment ou jamais, offrant des avantages aux utilisateurs lors de leur inscription, et continuant de persuader tout le monde que ne pas suivre cette opportunité serait effectivement comme « passer à côté du dernier gros truc en date ».

« Si vous voulez entrer dans l’histoire, vous devez savoir saisir des opportunités », dit LeBron à sa version rajeunie de lui-même, avant de voir un slogan apparaître à l’écran : « La Fortune sourit aux audacieux ». Il n’est présenté aucune preuve des avantages à posséder de la cryptomonnaie, ni des utilités d’avoir des Bitcoins ou de l’Ethereum : il s’agit juste d’un moyen de rentabiliser le FOMO.

Vendre une idée, mais vendre avant tout

 

Bien entendu, aucune de ces réclames ne mentionnait la partie plus silencieuse du fonctionnement des cryptomonnaies : s’il y a plus d’achats de ces monnaies sur le marché, alors les prix continueront de grimper, faisant alors gagner aux adeptes préexistants de ces cryptomonnaies (et les entreprises associées comme Crypto.com ou FTX qui facilitent ces échanges) encore plus d’argent, dans un sens qui ferait presque penser à un système pyramidal, habilement déguisé en « futur de l’internet ».

Mais il semblerait que le jeu en vaille la chandelle pour ces entreprises qui pensent qu’attirer de nouveaux « clients » leur sera bénéfique sur le long-terme, si on prend en compte le coût effectif de la démarche, 30 secondes de publicités lors de l’entracte du Superbowl coûtant environ 7 millions de dollars.

Il est possible que tout ceci ne soit encore que le calme avant la tempête, et que le match de l’année prochaine soit pris d’assaut par des publicités de startups du Web3 voulant toutes vendre leur version de l’internet du futur. Ou bien peut être qu’il s’agissait d’une curiosité passagère, d’un coup de com’ bien orchestré qui finira par retomber dans l’oubli collectif, ou bien restera un domaine limité aux plus intéressés.

Mais une chose est certaine, si cette technologie arrive a ses fins, dire que le Bitcoin est comme le prochain smartphone, marcher sur la lune ou l’invention de la roue, ne sera plus suffisant. Les cryptomonnaies ont réussi à vendre du rien, rien de plus qu’une idée : c’est le futur parce que c’est le futur, et si vous loupez le coche, vous n’en ferez pas parti. À un moment donné, si la technologie de la blockchain veut avoir une chance de perdurer et de se développer auprès des consommateurs moyens, ces entreprises devront commencer à tenir leurs belles promesses.