Mindie, la startup française qui a inventé TikTok... avant TikTok !
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Mindie, la startup française qui a inventé TikTok… avant TikTok !

En 2013, 4 français créent Mindie, une application de partage de courtes vidéos musicales qui devient très populaire aux États-Unis et pose toutes les bases de ce que deviendra TikTok. Seulement 2 ans plus tard, l’aventure s’arrête face à la concurrence de son clone chinois Musical.ly qui fusionne avec TikTok en 2018, devenant ensuite le réseau social le plus en vogue à partir de 2020. Que s’est-il passé ?

Table des matières

À l'origine de Mindie : Ever, une appli française de partage de photos et d'événements

Ever est un album photo collaboratif

Trois étudiants des beaux-arts (Grégoire Henrion, Stanislas Coppin et Clément Raffenoux) ainsi qu’un étudiant de la célèbre école d’informatique Epitech (Simon Corsin) créent en 2012 l’application Ever pour iPhone qui permet de créer des événements et de partager les photos de cet événement avec son entourage. De leur propre aveu, ils commettent de nombreuses erreurs classiques de débutants et l’application ne trouve pas son public. Au bout d’un an, les créateurs de l’appli Ever se rendent à l’évidence : ce projet n’ira pas plus loin. Ils rebondissent alors en se concentrant sur l’une des fonctionnalités les plus appréciées d’Ever : l’ajout de musique sur les photos.

L'échec d'Ever est le point de départ de l'aventure Mindie

En juillet 2013, les 4 français commencent à travailler sur une nouvelle application musicale nommée Mindie (une contraction des mots « mainstream » et « indie » qui représentent respectivement deux aspects souvent opposés : la musique dite « grand public », souvent produite par de grandes maisons de disques, et la musique produite de manière « indépendante » par des artistes non signés). Ils s’inspirent des applications les plus populaires du moment (Instagram pour le partage de photos, et Vine pour le partage de courtes vidéos) et créent une application pour iPhone qui permet de choisir une chanson dans le catalogue iTunes, d’enregistrer une vidéo par dessus (en plusieurs étapes si on le désire), puis de publier le résultat en privé ou en public et de partager le lien via Facebook ou Twitter.

Leur but est de proposer une sorte de MTV 2.0 en offrant la possibilité aux fans de musique de créer et partager facilement leurs vidéoclips en ligne. La durée des vidéos est d’abord fixée à 7 secondes (comme sur Vine), puis évolue plus tard pour atteindre les 10 secondes. Même s’il n’existe aucune limite à la forme que peuvent prendre les vidéos créées dans l’application, les créateurs de Mindie se rendent compte qu’une tendance apparaît : les utilisateurs aiment particulièrement se filmer eux-mêmes en train de mimer le chant et de danser (ce qu’on appelle faire du lip sync).

Une interview des co-créateurs de Mindie datant de mai 2014, époque où on ne soignait pas encore ses miniatures sur YouTube

Mindie propose des fonctions inédites pour 2013

Personne ne faisait de vidéos en 9:16 à l'époque

En 2013, le format pour le partage de photos et vidéos sur Instagram et Vine (ce dernier appartient à Twitter) est le format carré. Les créateurs de Mindie font partie des premiers à penser qu’il est dommage de ne pas exploiter la totalité de l’écran d’un smartphone, et ils font le choix osé de proposer des vidéos au format 9:16 au sein de Mindie. Ça peut paraître anodin aujourd’hui, voire logique, de proposer des vidéos au format 9:16 sur mobile, mais à l’époque, cette pratique est encore loin d’être une habitude, et certains utilisateurs se plaignent même auprès de Mindie de ne pas pouvoir faire leurs vidéos au format 16:9 habituel. Les innovations de Mindie ne s’arrêtent pas là. Les développeurs choisissent également de passer d’une vidéo à l’autre à la verticale, à la manière d’Instagram ou de Vine. Mais dans un souci de qualité visuelle, pour éviter que l’utilisateur ne se retrouve entre 2 vidéos s’il n’a pas scrollé assez loin avec son doigt, ils prennent une décision radicale : un simple toucher de l’écran vers le haut, quelle que soit sa longueur, fait entièrement passer l’application à la vidéo suivante, qui s’affiche à son tour en plein écran. Contrairement à Instagram et Vine, vu que la vidéo est affichée en plein écran, les informations et les boutons associés ne peuvent pas apparaître au dessous ou en dessous. Les boutons apparaissent donc en surimpression sur le côté droit de l’écran, le nom de l’auteur et la légende de la vidéo apparaissent en bas, en étant alignées au côté gauche. Les vidéos peuvent ainsi être scrollées à l’infini, sans jamais savoir sur quoi on tombera ensuite. Ça ne vous rappelle rien ?

Pour les créateurs de vidéos, Mindie propose également des options innovantes. Comme sur Vine, l’enregistrement de la vidéo se fait en maintenant son doigt sur l’écran. Dès qu’on relève le doigt, l’enregistrement s’arrête, et on procède ainsi jusqu’à ce qu’on ait obtenu le résultat recherché ou jusqu’à la fin du temps limite. Sur Vine il est très aisé d’enregistrer une vidéo sans effets particuliers, mais les choses se compliquent lorsqu’on veut y ajouter de la musique par exemple (il faudrait passer par une autre appli de montage, mais Vine ne permettra d’importer des vidéos extérieures qu’à partir du mois d’août 2014). Les développeurs de Mindie veulent simplifier la tâche aux créateurs, et rendre très facile chez eux ce qui est très compliqué chez Vine. C’est pourquoi les utilisateurs choisissent d’abord la chanson qu’ils veulent utiliser (via l’immense catalogue proposé par iTunes), ils définissent le passage musical qui les intéresse, et ils enregistrent leur vidéo ensuite, en se calant facilement sur la chanson choisie. Ils peuvent également ajouter des petites bulles de texte ou des émojis sur la vidéo, et ils ont la possibilité de ralentir ou d’accélérer leur vidéo pour créer des effets « slow motion » ou « time lapse ». Encore une fois, cela peut paraître relativement anodin en 2024, mais en 2013, cette simplicité pour ajouter des effets vidéo est relativement inédite ! Et ce qui encore plus surprenant, c’est que, loin des clichés souvent associés aux startups, tout ça est programmé par Simon Corsin lors d’un voyage aux États-Unis en seulement 2 semaines, dans le recoin de la cuisine partagée d’une auberge de jeunesse.

 

Un test de l’application Mindie datant de 2014

Faute de capitaux français, Mindie cherche des fonds aux États-Unis

La Silicon Valley est séduite par ceux qu'ils surnomment "la french mafia"

L’application est fonctionnelle, mais pour aller plus loin, il faut de l’argent. La startup contacte alors des investisseurs français, sans succès. Il faut dire qu’en 2013, il existe déjà quelques incubateurs, prêts d’honneur ou aides publiques en France, mais le milieu des startups du numérique est encore mal compris (par exemple, l’initiative de La French Tech n’est lancée que fin 2013 et ne débute ses actions que fin 2014). Le crowdfunding existe, mais il n’est pas encore très répandu en France, où Kickstarter n’a pas encore d’équivalent, et où le seul domaine dans lequel le grand public a connaissance de ce type de pratique est celui des artistes musicaux qui lèvent des fonds pour enregistrer leur album grâce à MyMajorCompany. Des Business Angels sont déjà présents dans l’hexagone, (Xavier Niel, le fondateur de Free, est à cette époque le plus important business angel en France), mais ils ne sont visiblement pas sensibles au projet de Mindie. Les créateurs de l’application tentent alors leur chance aux États-Unis.

Outre-Atlantique, la réponse est nettement plus enthousiaste. Ils rencontrent une cinquantaine d’investisseurs à New-York, puis par le jeu des connaissances, ils trouvent finalement un premier financement du côté de la côte ouest, ce qui encourage une trentaine d’autres personnes à investir dans leur application. Des stars telles que Lady Gaga et Snoop Dogg investissent également dans Mindie. En seulement quelques dizaines de jours, ils lèvent 1,2 million $, essentiellement au sein de la Silicon Valley, alors qu’ils n’ont aucun modèle économique et qu’ils souhaitent que leur application reste gratuite. Ils installent leur bureau à San Francisco et la le succès semble garanti.

Captures d'écran de l'interface de l'application Mindie

Le partage sur Snapchat propulse Mindie vers les sommets

Un bouton jaune qui change tout

Un petit hack va grandement participer au succès de l’application française. Les développeurs de Mindie trouvent un moyen de faire en sorte que leurs vidéos musicales soient facilement partagées sur Snapchat. Sur ce réseau social américain récent (créé seulement 2 ans auparavant, en 2011) et en pleine ascension, les utilisateurs voient soudainement apparaître des courtes vidéos musicales d’une qualité nettement supérieure à ce qu’ils ont l’habitude de voir. Ils apprenent rapidement que ces clips musicaux sont créés facilement grâce à Mindie, et ils se ruent sur l’application française dont les téléchargements explosent en très peu de temps. Snapchat réagit, car ce partage facilité depuis Mindie n’est pas autorisé par le réseau social américain, et les développeurs français l’ont rendu possible grâce à une petite astuce de programmation. Snapchat exige le retrait de toute mention à son réseau depuis Mindie, allant du mot « Snap » jusqu’à la couleur jaune. Les développeurs de Mindie s’exécutent, sauf en ce qui concerne le bouton de couleur jaune (qui n’a rien d’illégal en soi). Débute alors un jeu du chat et de la souris dont seul le monde de la tech a le secret. Dans les mois qui suivent, les équipes de Snapchat font tout pour corriger la faille qui permet aux utilisateurs de Mindie d’y partager directement leurs créations musicales. Mais dès que cette faille est corrigée, les développeurs de Mindie exploitent une autre faille… et ainsi de suite. Pendant ce temps, la popularité de Mindie explose et l’application enchaîne les articles dans la presse US.

La rançon du succès : les clones de Mindie se multiplient, et c'est ainsi que naît Musical.ly

C’était davantage vrai dans les années 2010, mais cela reste une réalité encore aujourd’hui : lorsqu’une application mobile connaît un grand succès, des dizaines de clones plus ou moins réussis voient le jour très rapidement sur les app stores. Le succès de Mindie n’échappe pas à ce sort, et de nombreuses applications voient soudainement le jour pour créer des clips musicaux. En avril 2014, deux développeurs chinois nommés Alex Zhu et Luyu Yang développent une application éducative qui permet à n’importe qui de proposer et de regarder des cours sur tous types de sujets par le biais de vidéos durant entre 3 et 5 minutes. Mais leur projet est un échec, l’appli peine à séduire les utilisateurs et faute de moyens, le service ferme rapidement. Ils cherchent alors à capitaliser sur les connaissances acquises grâce à ce premier projet pour développer une autre appli qui est davantage dans l’air du temps. L’un deux découvre Mindie, qu’il utilise et apprécie, et les deux hommes développent un clone complet de Mindie en août 2014, avec les mêmes fonctions et le même placement d’éléments graphiques à l’écran. Cette application se nomme Musical.ly. Même le logo est pratiquement identique à celui de Mindie : il s’agit d’un M stylisé, de couleur blanche sur fond rose. En reprenant les mêmes mots clés que les textes décrivant l’appli Mindie, Musical.ly arrive rapidement à se placer en très bonne position sur l’app store d’Apple. Même la caméra, pourtant très innovante de Mindie, est reprise quasiment à l’identique. Comment est-ce possible ? Les créateurs de Mindie ne s’attendaient évidemment pas à un tel succès, et comme de très nombreux programmeurs informatiques, ils ont fièrement rendu public le code source de leur caméra sur la plateforme GitHub. Les créateurs de Musical.ly ont ainsi pu reprendre ce code source et le modifier à leur convenance pour l’intégrer dans leur appli.

Visuels de l'appli Musical.ly

Musical.ly est au départ une copie quasiment identique de Mindie

La popularité de Musical.ly explose grâce au "lip sync"

Une mode lancée par une émission de TV américaine

L’émission Lip Sync Battle démarre aux États-Unis en avril 2015 sur la chaîne Spike. Elle devient rapidement très populaire avec son concept simple : des stars de tous horizons viennent y interpréter des chansons connues en playback, et en exécutant des chorégraphies très travaillées. Les créateurs de Musical.ly se rendent compte que les téléchargements de leur application connaissent une augmentation notable chaque jeudi soir, pendant et après la diffusion de l’émission Lip Sync Battle. Les développeurs misent sur cette mode et présentent leur application comme étant la meilleure pour réaliser soi même des lip sync et les poster ensuite sur les réseaux sociaux. Le succès de Musical.ly devient alors phénoménal ! En quelques mois, Musical.ly devient l’appli la plus téléchargée sur l’App Store d’iOS dans plus de 30 pays. En mai 2016, Musical.ly a été téléchargée 70 millions de fois, et 10 millions de nouvelles vidéos y sont créées et postées chaque jour. La valorisation de l’application chinoise atteint alors les 500 millions $. Musical.ly se détache progressivement de son modèle d’origine et propose quotidiennement de nouveaux « challenges » repris par des millions d’utilisateurs qui tentent de reproduire le type de vidéo qui cartonne ce jour-là.

Pendant ce temps-là, l'aventure de Mindie s'est arrêtée

Et Snapchat y a contribué

Mindie a complètement raté le virage du lip sync. L’appli française est connue pour la grande qualité de ses vidéos, avec des effets très travaillés. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela a desservi sa notoriété. Les vidéos créées sur Musical.ly sont de moins bonne qualité, mais cela leur donne l’image d’être plus facile à réaliser par n’importe qui, ce qui booste sa popularité au détriment de Mindie où on est plus hésitant à poster une vidéo moins aboutie et réalisée à la va-vite. Les fonds levés par les français ont été intégralement dépensés, et l’équipe, épuisée par son succès aussi bref que soudain, a de plus en plus de mal à contourner les blocages de partages sur Snapchat. Ils rentrent en France début 2015, et finissent par mettre fin à leur application, définitivement dépassée en popularité par Musical.ly, en décembre 2015. En avril 2016, Mindie est rachetée par les créateurs de l’appli de selfies nommée Shots pour un montant qui n’a pas été rendu public. Shots prévoit de donner une seconde vie à Mindie, ce qui n’arrivera jamais étant donné l’incroyable succès de Musical.ly.

Musical.ly se fait racheter et devient TikTok

Bytedance a eu le nez fin

TikTok fusionne avec Musical.ly

En novembre 2017, le géant chinois Bytedance rachète Musical.ly pour 1 milliard $. En août 2018, Musical.ly fusionne avec TikTok (lancée à l’origine en septembre 2016 en Chine sous le nom de Douyin, puis lancée sous la forme d’une seconde application uniquement destinée à l’international sous le nom de TikTok en septembre 2017), et seule la marque TikTok persiste tandis que certaines particularités de Musical.ly disparaissent progressivement. En 2018, TikTok devient l’une des applications les plus populaires au monde avec 104 millions de téléchargements de l’application sur iPhone, uniquement durant la première moitié de l’année. TikTok est l’appli la plus téléchargée sur l’App Store iOS en 2018 et en 2019, devant les géants que sont Facebook, YouTube et Instagram, et sa popularité explose encore en 2020 grâce aux différents confinements qui touchent la planète en raison de la crise sanitaire liée au COVID-19. En 2024, TikTok reste le réseau social qui connaît la plus forte croissance avec des chiffres qui font pâlir ses concurrents, sans parler du fait que la Génération Z utilise de plus en plus TikTok comme moteur de recherche par défaut, au détriment de Google…

Qu'est-ce qui a manqué à Mindie ?

Est-ce que Mindie avait vraiment le potentiel de devenir l’équivalent actuel de TikTok ? Rien n’est moins sûr. Il est relativement aisé, avec le recul, de dire que Mindie a manqué de clairvoyance en ne réfléchissant pas à son modèle économique. Mais ce serait vite oublier que les modèles économiques des applis mobiles ont énormément changé depuis 2013 où le modèle du freemium (appli gratuite mais avec achats in-app) commençait seulement à s’imposer. Il est également facile de penser que Mindie a échoué en ayant raté le virage de la mode du lip sync en 2015, mais là aussi, ce serait ne pas tenir compte des réalités de la vie d’une startup, car cette année-là, l’argent levé par les français avait déjà été intégralement dépensé, et ce qui a véritablement manqué aux développeurs, c’était des moyens financiers supplémentaires qui auraient pu être obtenus par le biais d’une nouvelle levée de fonds.

C’est pour cette raison qu’il est essentiel pour les startups et leurs porteurs de projets de se faire conseiller et outiller par des incubateurs tels que Quai Alpha. Il s’agit du meilleur moyen de bénéficier de conseils d’experts et de connaître toutes les possibilités de financement afin de pérenniser l’activité de votre structure innovante.

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