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Petit guide pour lutter contre le mythe de l’entrepreneur star

De tout temps, l’humanité a bâti des temples et érigé en idoles des divinités. Notre époque n’échappe pas à cette règle. De par leur importance dans nos vies, les Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook), Bill Gates (Microsoft) ou encore Elon Musk (Tesla) sont devenus les guides spirituels actuels. Ils ont permis à l’humanité de faire de grands bonds technologiques en avant. On ne leur reconnaît depuis aucune limite, et pour leurs hauts faits, ils auront toujours raison devant l’éternel.

Nous vous invitons dans une plongée au cœur de ce nouveau panthéon pour tenter d’exposer et de déconstruire le fonctionnement de leurs chapelles afin de revenir sur Terre.

Les pères fondateurs de l'industrie américaine ont littéralement changé le monde

Avant le 19e siècle, les personnalités les plus connues du grand public étaient généralement les dirigeants des pays riches, les monarques et leurs compagnes, quelques politiciens, scientifiques ou philosophes marquants, et les artistes (auteurs, sculpteurs, peintres, musiciens). Mais la révolution industrielle du 19e siècle a fait basculer la société dans une nouvelle ère plus orientée vers le commerce et l’industrie, ce qui a davantage mis en lumière les entrepreneurs et les grands patrons.

Entre la fin du 19e siècle et le début du 20e, les noms d’Andrew Carnegie, Thomas Edison, John D. Rockefeller ou encore Henry Ford deviennent célèbres à leur tour. Ils sont autant célébrés pour leurs innovations industrielles que pour leurs activités philanthropiques visant à améliorer la société en général.

Andrew Carnegie est devenu l’un des hommes les plus riches de l’histoire des Etats-Unis en investissant dans l’industrie de l’acier au moment où le pays s’équipait massivement en voies ferrées. Mais il est surtout célèbre pour avoir fait don de 90% de sa fortune dans les dernières années de sa vie, à des œuvres de charité, des fondations et des universités, pour un montant de 350 millions de dollars à l’époque de son décès en 1919, ce qui correspondrait aujourd’hui à près de 6 milliards de dollars. De très nombreux bâtiments portent encore son nom aujourd’hui au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Avec plus de 1 000 brevets déposés aux Etats-Unis (sans compter ceux déposés dans d’autres pays), Thomas Edison est considéré comme l’un des plus grands inventeurs de l’histoire car il a nettement contribué à la création et au développement des industries du son (invention du phonographe) du cinéma (invention de la caméra), ainsi qu’à la production et à la distribution d’électricité (invention d’une des premières versions de l’ampoule électrique). Tous ces objets ont largement transformé la société du 20e siècle, et Edison a également créé le premier laboratoire de recherche industrielle au New Jersey en 1876 pour améliorer le concept du télégraphe (sans parler de ses innovations concernant les micros de téléphones ou encore les fluoroscopes pour effectuer des radiographies, ainsi que son travail sur les batteries électriques rechargeables). Il a fondé la société General Electric en 1889 (qui a ensuite fusionné avec la branche électrique de Thomson en 1892), une entité qui existe toujours et opère dans de nombreux domaines industriels depuis le décès d’Edison en 1931.

Jaquette du DVD documentaire The Men Who Built AMerica
Dans l'inconscient américain, les Etats-Unis d'Amérique ont été bâtis par une poignée de riches entrepreneurs.

Après une courte carrière de comptable puis d’intermédiaire entre vendeurs et acheteurs de biens, Rockefeller a commencé à investir dans le raffinement de pétrole à la fin de la guerre de Sécession, vers 1865, à l’âge de 25 ans. À cette époque, on utilise uniquement le pétrole comme impérméabilisant sous forme de goudron, ou comme lubrifiant. En 1869, la production de kérosène est 3 fois supérieure à la demande nationale, mais l’équipement massif du pays en lampes à pétrole (bien plus fiables et efficaces que les lampes à huiles utilisées jusque là) durant les 30 dernières années du 19e siècle change rapidement cet équilibre. Avec le développement de l’automobile au début du 20e siècle, la demande en pétrole raffiné explose et John D. Rockefeller possède à un moment 90% de toute la production du pays, devenant ainsi le premier milliardaire américain, puis l’américain le plus riche de tous les temps avec une fortune estimée à environ 200 milliards de dollars, la plus grande somme jamais réunie par un seul homme à l’époque moderne. Pendant les 40 (!) dernières années de sa vie, il s’est essentiellement consacré à la création de fondations dans les domaines de la médecine, de l’éducation et de la recherche scientifique, et il a créé 3 universités.

Le nom de Ford est probablement le plus connu de tous puisque la marque automobile qu’il a créée en 1903 est toujours en activité. En inventant un nouveau modèle de ligne de production qui révolutionne l’industrie en général afin de réduire les coûts et les délais, Henry Ford inonde le marché de la Ford Modèle T, transformant ainsi un produit de luxe (la voiture) en un produit de masse accessible à la plupart des ménages du pays à partir de 1908. Il en écoulera 16 millions d’exemplaires jusqu’en 1927, introduisant ainsi auprès de l’ensemble de la population les phénomènes de consommation de masse et de consumérisme (à savoir le fait de se procurer davantage que ce qui est nécessaire pour vivre, un concept qu’il considérait comme un moyen d’obtenir la paix globale). Il a également démocratisé les concessions automobiles franchisées pour contrôler la distribution de ses produits à travers tout le pays. En plus d’avoir nettement augmenté les revenus de ses ouvriers grâce à son modèle de production, il a introduit et défendu le modèle de la semaine de 5 jours de 8 heures de travail à partir de 1926, car il était convaincu que ce temps de loisir supplémentaire (1 jour de travail en moins par semaine par rapport au modèle précédent) convaincrait les ouvriers d’être plus productifs pendant leurs heures de travail, tout en ayant la possibilité de dépenser plus d’argent pendant leur temps de repos. Cette notion était encore très inhabituelle au début du 20e siècle où les loisirs étaient encore un privilège réservé aux plus hautes sphères de la société, tandis que le temps libre était perçu comme du temps perdu lorsqu’il concernait les classes ouvrières. Bien qu’ayant affiché des convictions pacifistes durant les premières années de la 1ère Guerre Mondiale, l’entreprise Ford est devenue l’un des plus gros fournisseurs d’armes du pays pendant le reste du conflit.

Henry Ford posant à côté d'une Ford Model T en 1921.
Henry Ford posant à côté d'une Ford Model T en 1921.

L'un des pères fondateurs des Etats-Unis a engendré l'un des pires chapitres de l'histoire du 20e siècle

 

Ce qu’on raconte moins souvent, c’est qu’Henry Ford affiche clairement ses positions antisémites dès 1918 dans un journal qu’il a racheté, The Dearborn Independant, et dont la distribution est obligatoire dans toutes ses concessions automobiles. Cela lui vaut d’être la seule personnalité américaine mentionnée dans Mein Kampf publié par Adolf Hitler (qui considérait Ford comme un maître à penser) en 1925. Ford s’est également vu décerner la Grand-Croix de l’ordre de l’aigle allemand en 1938, qui est la plus haute distinction nazie qui puisse être attribuée à un non-allemand. Malgré des excuses publiques en 1927 (qui avaient en vérité été rédigées et signées au nom de Ford par son chef de la sécurité pour des raisons purement mercantiles), l’entrepreneur n’a jamais renoncé à ses convictions nauséabondes, du moins pas avant qu’on lui montre des images des camps de concentration après la fin de la 2nde Guerre Mondiale, ce qui lui aurait fait réaliser l’horreur à laquelle il avait indirectement contribué, et aurait provoqué un AVC chez le célèbre homme d’affaires. Lors du grand procès de Nuremberg de 1945-1946 qui a jugé les dirigeants nazis survivants de la 2nde Guerre Mondiale, Baldur von Schirach (dirigeant des Jeunesses Hitlériennes jusqu’en 1940, puis gouverneur de la région de Vienne en Autriche où il a fait déporter 65 000 juifs vers les camps de concentration polonais) a déclaré que l’ouvrage qui avait fait naître le sentiment antisémite chez lui et chez ses camarades était The International Jew écrit par Henry Ford au début des années 20 (qui était une compilation de ses articles de journaux antisémites).

Comment se fait-il que cette partie de l’histoire d’un des hommes les plus riches et influents de son époque soit moins connue / racontée que l’invention du Fordisme (la production de masse de biens peu coûteux associée à l’augmentation du pouvoir d’achat de ceux qui les produisent) ?

Les nouvelles stars de l'entrepreneuriat sont celles qui ont démocratisé l'informatique pour le grand public

Faisons un bond dans le temps jusqu’aux années 80/90 et au début des années 2000 pour aborder les nouvelles stars de l’entrepreneuriat qui ont émergé en dépoussiérant l’image du patron en costard cravate pour passer à un nouveau modèle plus iconoclaste durant les années Reagan. Le cliché de l’homme d’affaires à l’ancienne, très éloigné des réalités du monde dans lequel il vit, a déjà été sérieusement écorné dans la culture populaire par le biais de films comme la comédie Un Fauteuil Pour Deux de John Landis (1983), le drame financier Wall Street d’Oliver Stone (1987) ou encore le film d’action et d’anticipation sanglante RoboCop de Paul Verhoeven (1987). Ces œuvres marquantes ont largement dénoncé la mainmise des grands financiers sur de nombreux aspects de la vie publique, et l’opinion populaire est à la recherche de nouveaux modèles.

La première figure à laquelle on pense est forcément Steve Jobs. Le cofondateur d’Apple est connu pour avoir été l’un des premiers grands visionnaires de l’informatique personnelle destinée au grand public. Et l’histoire est trop belle : un étudiant hacker qui commercialisait sous le manteau au début des années 70 un petit appareil illégal nommé Blue Box (qui permettait de passer des appels longue distance gratuitement depuis une cabine téléphonique) cofonde la société Apple dans son garage en 1976. Après avoir tenté de démocratiser l’informatique individuelle à domicile avec ses ordinateurs Apple I en 1976, Apple II en 1977 et Lisa en 1983, il lance en grande pompe le Macintosh (ce nom vient d’une variété de pommes) en 1984 avec un spot publicitaire légendaire réalisé par Ridley Scott (Alien, Blade Runner, Gladiator, Seul Sur Mars) et diffusé une seule fois à la TV américaine, le 22 janvier 1984 lors du 3e quart-temps du Super Bowl. En s’inspirant de l’univers cauchemardesque du roman dystopique 1984 de Geoge Orwell publié en 1949, Steve Jobs se place en rebelle contre l’oppression des grands groupes informatiques, principalement IBM qui avait sorti l’IBM PC en 1981, mais sans faire de grands efforts pour que l’informatique à domicile devienne attirante. La première pierre de l’image rénovée de l’entrepreneur est posée.

Sauf que cette narration omet de nombreux éléments. Le véritable surdoué derrière les débuts d’Apple est Steve Wozniak, le programmeur ingénieux et partenaire de Jobs qui a conçu la Blue Box des débuts et les premiers ordinateurs d’Apple. Wozniak était un programmeur hors pair, et Jobs était celui qui voyait le potentiel commercial des créations de son ami. En 1974, Steve Jobs a brièvement travaillé comme programmeur pour les jeux vidéo Atari, mais ça ne s’est pas bien passé (sans parler du fait que c’était Wozniak qui codait à sa place lorsqu’il était en difficulté). Il était grossier et arrogant avec ses collègues, mais ce n’était rien à côté de son odeur pestilentielle (Jobs était frugivore et il était persuadé que ce régime alimentaire lui permettait de ne dégager aucune odeur corporelle, malgré les plaintes de ses collègues). Il finit donc par travailler seul au sous-sol de l’entreprise, ou la nuit lorsque personne d’autre n’est présent. En 1975, Atari lui demande d’alléger la conception du jeu Breakout en supprimant des puces électroniques, avec un bonus financier pour chaque puce supprimée. Jobs se fait aider de son ami Wozniak qui fait passer le jeu de 100 à 45 puces électroniques, ce que les programmeurs habituels d’Atari pensaient impossible jusque-là. L’opération lui rapporte 5 000 $… sauf qu’il déclare à Steve Wozniak n’avoir gagné que 750 $ en tout, et que la part de ce dernier ne s’élève qu’à 375 $ après le partage « équitable ».

Jobs s’avère tout aussi ingérable lorsqu’il travaille pour Apple (qu’il ne dirige plus) dans les années 80, en développant par exemple le Macintosh avec une équipe pirate débauchée en interne pour faire concurrence aux équipes qui développent l’Apple II et le Lisa. Si l’esprit de compétition peut être bienvenu au sein d’une entreprise, l’attitude de Jobs s’avère perturbante pour la compagnie, avec des équipes qui travaillent en doublon, les unes contre les autres, au lieu d’allier leurs compétences. Les ventes du Mac démarrent fort à sa sortie, mais elles baissent rapidement à cause des capacités limitées de la machine et l’ambiance au sein d’Apple se dégrade. De nombreux employés (dont Wozniak) quittent le navire en 1985, et plus tard cette même année, c’est Steve Jobs qui s’en va après avoir admis qu’il était en train de planifier une prise de contrôle total d’Apple ainsi que l’éviction du dirigeant de l’époque, John Sculley, avec qui Jobs ne s’entendait plus du tout. Il faudra attendre une douzaine d’années, marquées par des échecs commerciaux aussi bien du côté d’Apple que de Steve Jobs, pour que ce dernier fasse son grand retour en 1997 au sein de l’entreprise qu’il a créée.

Le Macintosh de 1984 n’a pas réalisé le rêve de Steve Jobs de mettre l’informatique facile dans les mains du grand public (mais il atteindra ce but 23 ans plus tard avec l’iPhone qui démocratise les smartphones dans le monde entier et ouvre des possibilités d’usages infinis en lieu et place des premiers téléphones mobiles qui étaient avant tout des téléphones). Pourtant, l’ordinateur individuel a fini par trouver le chemin des foyers à partir des années 80, et un homme est devenu immensément riche grâce à ça : Bill Gates. Ce dernier a fondé Micro-Soft en 1975 (renommé Microsoft l’année suivante) avec son ami Paul Allen (un autre programmeur surdoué, dont les succès ont été invisibilisés par les succès commerciaux de son partenaire) pour vendre un interpréteur BASIC à la société MITS qui fabriquait l’Altair 8800, considéré comme l’un des premiers micro-ordinateurs à usage personnel de l’histoire. La signature de ce contrat était basée sur un petit mensonge car Gates et Allen n’avaient pas encore développé leur interpréteur BASIC, et n’avaient jamais travaillé sur un ordinateur Altair, lorsqu’ils ont promis à MITS de leur en faire une démonstration.

Steve Jobs et Bill Gates interviewés en 2007
Steve Jobs et Bill Gates interviewés ensemble à la conférence D5 en 2007 - Photo FlickR

Le deal qui a tout changé pour Bill Gates n’est arrivé que quelques années plus tard, avec une nouvelle petite torsion de la vérité au passage. En 1980, IBM cherche à lancer son IBM PC et contacte Microsoft pour développer un interpréteur BASIC destiné à cette machine. Lors d’une réunion de travail, l’un des responsables d’IBM mentionne le fait qu’ils n’arrivent pas à négocier de contrat satisfaisant avec la société Digital Research qui distribue CP/M, le système d’exploitation le plus populaire du moment. Bill Gates saute sur l’occasion et propose de développer un système d’exploitation pour l’IBM PC, alors qu’il n’a en vérité aucun projet de ce type sur les rails. Microsoft acquiert alors en vitesse les droits de distribution de 86-DOS, un petit système d’exploitation similaire à CP/M, auprès de Seattle Computer Products. Il en vend une version modifiée (renommée PC-DOS) à IBM pour 50 000 $, une somme relativement peu élevée étant donné la taille du marché visé par IBM. Mais Bill Gates sait ce qu’il fait, car il bénéficie du prestige d’avoir développé le système d’exploitation du leader du marché, et surtout il sait que d’autres constructeurs vont se lancer sur le marché florissant du PC. Car le coup de génie de cette affaire est qu’IBM ne veut pas posséder la licence exclusive de ce système d’exploitation, ce qui permet à Microsoft de vendre ce même système (sous le nom de MS-DOS) à de nombreux autres fabricants qui se lancent sur le marché du PC dans les années qui suivent. Cette opération fait de Microsoft un acteur incontournable de l’industrie informatique des années 80, mais l’ascension de l’entreprise est loin d’être terminée.

Dans les années 70 et au début des années 80, les interactions avec les ordinateurs (y compris les Apple I et II) se font par le biais de lignes de commande, à savoir du texte tapé sur un clavier qui apparaît généralement en couleur verte sur un fond noir (oui, comme dans le film Matrix, et ce n’est pas un hasard). Pour être efficace avec un ordinateur, il faut connaître par cœur les commandes à taper, et ne pas se tromper d’un seul caractère, sinon la machine ne comprend pas ce qu’on lui demande. Steve Jobs sait que pour rendre l’informatique plus accessible au grand public, il faut qu’elle devienne plus facile et intuitive. En novembre 1979, Steve Jobs et les équipes d’Apple sont à la recherche de nouvelles idées et visitent à deux reprises le centre de recherche de Palo Alto (Palo Alto Research Center, ou simplement PARC) de Xerox, un autre géant de l’informatique de cette époque (le fameux fabricant de photocopieurs et d’imprimantes qui travaille dans ce domaine depuis les années 40). Sur place, Steve Jobs découvre deux concepts (inutilisés commercialement par Xerox) qui vont révolutionner l’histoire de l’informatique. La souris informatique n’a pas été inventée par Xerox, car les premiers trackballs ont été brevetés aux USA dans les années 40, et les premières souris (qui sont des trackballs posés à l’envers) ont été brevetées dans les années 60. Mais presque personne ne s’en sert car il faut les utiliser sur une surface ultra-lisse et elles s’encrassent très facilement. Steve Jobs demande à ses équipes de perfectionner ce système pour le rendre plus pratique et la souris va vite devenir un accessoire incontournable des ordinateurs, aux côtés du clavier déjà présent depuis les débuts.

Mais l’invention du Xerox PARC qui va vraiment permettre à l’informatique grand public de faire un bond de géant, c’est l’interface graphique, à savoir le fait de remplacer les écrans austères en lignes de commande par des raccourcis plus visuels et plus parlants. On parle ici de l’invention des fenêtres, des icônes, des menus et des boutons visibles à l’écran. Il paraît aujourd’hui inconcevable d’utiliser un ordinateur sans ces éléments visuels, mais c’était pourtant la norme au début des années 80 car les interfaces graphiques nécessitaient une puissance de calcul que la plupart des ordinateurs n’étaient pas capables de fournir. Précisons que les premières interfaces graphiques développées par Xerox ne s’utilisaient pas avec une souris, mais permettaient d’afficher quelques images et les raccourcis claviers à utiliser pour activer certaines fonctions. S’il améliore la souris et en la couplant avec une interface graphique moins gourmande en puissance, Steve Jobs comprend qu’il vient de découvrir la clé qui va ouvrir les portes de l’informatique au grand public, et il demande à ses équipes de travailler dessus pour les implémenter sur les ordinateurs Lisa et Macintosh. Le Lisa d’Apple devient donc le premier ordinateur au monde à posséder des menus déroulants et des options pour déplacer et redimensionner les fenêtres, des idées que l’on retrouve ensuite sur le Macintosh. Ces machines d’Apple font partie des tous premiers ordinateurs grand public à posséder une interface graphique (aux côtés de l’Atari ST et de l’Amiga de Commodore, tous deux sortis juste après, en 1985). Grâce au Lisa en 1983, Bill Gates comprend à son tour l’intérêt d’une interface graphique pour démocratiser l’usage du PC (même si Microsoft travaillait déjà sur un prototype d’interface depuis 1981), et il lance la première version de Windows (« Fenêtres » an anglais) en 1985 sur le marché. La version 2 de Windows apparaît en 1987, mais c’est surtout la version 3 qui va connaître un énorme succès commercial à partir de 1990. Windows 95 (1995) puis Windows XP (2001) installeront définitivement l’interface graphique de Microsoft dans l’inconscient collectif comme étant l’apparence visuelle standard d’un écran d’ordinateur, au grand dam de Steve Jobs qui sera longtemps furieux que Bill Gates lui ait volé ses idées pour démocratiser l’informatique à domicile. Profitons-en pour préciser que dans ses premières années d’entrepreneuriat, Bill Gates n’était pas un personnage beaucoup plus sympathique que Steve Jobs. Colérique, arrogant et souvent grossier, Gates était connu pour humilier régulièrement ses collaborateurs lors des réunions de travail, en leur hurlant dessus et en mettant le doigt sur leurs lacunes plutôt que sur leurs réussites. Mais l’histoire semble aussi avoir oublié tout ça.

Steve Jobs n’a jamais été nommé Person Of The Year par le magazine Time (dont il a tout de même occupé la page de couverture à de nombreuses reprises). Mais en 1982 (avant la sortie du Lisa et du Macintosh), Time Magazine a remplacé son traditionnel Person Of The Year par une Machine Of The Year afin de louer les progrès de l’ordinateur individuel, et le portrait de Steve Jobs était le premier mis en avant dans l’article dédié, avant le portrait de John Opel, le patron d’IBM.

 

Capture d'écran de l'interface graphique version 1.0 du Lisa d'Apple
En 1983, la première version de l'interface graphique de l'Apple Lisa a révolutionné l'usage de l'informatique avec ses menus, ses fenêtres, ses icônes et sa corbeille.

On pourrait choisir de ne se souvenir de Steve Jobs et Bill Gates que comme les hommes qui ont vendu des millions de smartphones trop chers ou de logiciels buggés à toute la planète. Mais il serait dommage d’oublier à quel point ils ont changé le monde et bouleversé l’ordre établi en imaginant (surtout Jobs) la meilleure manière de mettre l’informatique dans les mains du plus grand nombre. Non, Bill Gates n’a pas inventé le PC, mais il l’a rendu fonctionnel à de multiples niveaux. Et non, Steve Jobs n’a inventé ni les baladeurs mp3, ni les smartphones, ni les tablettes tactiles, mais tout comme il l’avait fait avec les souris et les interfaces graphiques trouvées ailleurs, il a rendu toutes ces idées accessibles à tous grâce à des produits soignés et fonctionnels. À l’image des fondateurs industriels mentionnés plus haut, ces deux hommes ont eu un impact profond et durable sur notre société, tout en n’oubliant pas au passage d’en faire des réussites commerciales éclatantes. Ils n’étaient certainement pas les êtres humains les plus aimables qu’on puisse côtoyer, mais Bill Gates (qui a mis beaucoup d’eau dans son vin en vieillissant) a suivi la voie philanthropique de ses aînés en utilisant sa fortune pour créer en 2000 la Fondation Bill & Melinda Gates qui fournit des aides dans les domaines de l’agriculture, la contraception et la vaccination à travers le monde.

Les successeurs de Steve Jobs et Bill Gates sont liés au développement du web

Lorsque l’informatique devient facilement utilisable dans les années 90 et 2000, l’accès à internet suit rapidement le mouvement, et plusieurs entrepreneurs s’engouffrent dans la brèche. Jeff Bezos fonde la société Cadabra en 1994 dans son garage, pour vendre des livres sur internet en s’installant à Seattle, non loin du siège de Microsoft afin de profiter de la main d’œuvre aux fortes compétences web présente en masse dans la région. En 1995, Bezos renomme sa société Cadabra en Amazon pour apparaître à la première place dans les classements alphabétiques (ce qui pouvait avoir une importance capitale dans les annuaires téléphoniques). Il semble d’ailleurs que ce soit la même idée qui ait motivé Steve Jobs à nommer sa société Apple en 1976, bien que d’autres sources affirment que c’est plutôt le régime frugivore de Jobs qui serait à l’origine de ce nom, car il ne se nourrissait pratiquement que de pommes à cette époque. Jeff Bezos est nommé Person Of The Year par le magazine Time en 1999. Amazon survit à l’éclatement de la bulle internet au début des années 2000 et réalise ses premiers bénéfices au dernier trimestre 2001 tout en ouvrant progressivement son activité commerciale à d’autres produits que la librairie. Beaucoup l’ignorent, mais l’immense majorité de l’argent gagné par Amazon ne vient pas de la vente d’articles en ligne. Amazon a en effet lancé son propre service d’hébergement de sites et services web (Amazon Web Services, ou AWS) au début des années 2000. Et bien que le CA d’AWS ne représente qu’environ 15% du CA global d’Amazon (avec tout de même près de 33% de parts de marché dans le monde), c’est de loin son activité la plus rentable, puisque cet hébergement a rapporté 24,8 milliards de dollars en 2021, ce qui représente 74% des bénéfices annuels d’Amazon.

Lorsque Reed Hastings créé Netflix en 1997, sa première activité est la location de DVD par correspondance, mais en réalité il songe déjà à se lancer sur le web dont il perçoit le potentiel. Le futur lui donne raison puisque l’activité de streaming par abonnement de Netflix s’étend à l’international à partir de 2010, faisant de Netflix la plus grande plateforme de SVOD au monde au début des années 2020. Netflix est d’ailleurs le plus gros client mondial d’AWS, devant Twitch (qui appartient à Amazon), LinkedIn et Facebook qui utilisent également les solutions d’hébergement de Jeff Bezos.

Jack Ma a fondé le groupe Alibaba en 1999 à Hangzhou en Chine. Alibaba.com est la plus grande plateforme de commerce B to B au monde, même si le grand public connaît davantage sa plateforme B to C nommée AliExpress lancée en 2010. En 2021, AliExpress a établi (pour la 4e année d’affilée) le record du plus grand nombre de transaction d’achat/vente effectuées sur une seule plateforme en un seul jour lors du Single’s Day (le 11/11 chaque année) avec un CA brut de 84,5 milliards de dollars. Ce que le grand public ignore probablement, c’est que le groupe Alibaba est également l’un des plus grands investisseurs financiers au monde, ainsi que le second plus grand groupe mondial de services financiers (AliPay) après Visa. En 2020, Alibaba était également la 5e plus grande compagnie en matière de développement d’intelligence artificielle.

Mark Zuckerberg lors d'une de ses keynotes en 2018
Mark Zuckerberg lors d'une de ses keynotes en 2018

Les talents de programmeur de Mark Zuckerberg se font remarquer dès ses jeunes années, puisqu’il crée à l’âge de 12 ans une messagerie privée en ligne pour sa famille, son père dentiste et les collègues de celui-ci. Il nomme ce service ZuckNet, et il ressemble beaucoup à une version simplifiée de la messagerie AOL… qui ne sort pourtant qu’un an plus tard. Au lycée, il crée le Synapse Media Player qui analyse les goûts des utilisateurs pour effectuer des recommandations musicales. AOL et Microsoft veulent racheter Synapse et embaucher Zuckerberg, mais il refuse. Il est déjà considéré comme un génie de la programmation lorsqu’il entre à l’université d’Harvard en 2002, et après avoir développé plusieurs programmes (pour choisir ses cours ou pour voter pour les étudiants les plus sexys), il lance en 2004 Thefacebook.com, un répertoire d’étudiants en ligne qui sera rapidement déployé dans d’autres universités américaines. Zuckerberg explique avoir choisi une couleur dominante bleue pour le design Facebook (qui abandonne le The au début de son nom en 2005, un an après l’installation de la société à Palo Alto en Californie) car il est daltonien et le bleu est la seule couleur qu’il perçoit correctement. Lancé en 2003 (soit un an avant Facebook), Myspace a été le premier réseau social à connaître un succès planétaire en étant leader dans son domaine entre 2005 et 2008 (les deux services concurrents attiraient 115 millions de visiteurs uniques par mois en 2008). Mais en 2009, Facebook dépasse Myspace en termes d’audience, et ce dernier ne s’en remettra jamais (Myspace n’avait plus que 7 millions de visiteurs mensuels en 2019). Zuckerberg est nommé Person Of The Year par Time Magazine en 2010, la même année où un film consacré à ses débuts sort sur grand écran : The Social Network de David Fincher.

Facebook franchit la barre du milliard d’utilisateurs mensuels (dont 600 millions sur téléphone mobile) en octobre 2012. 9 ans plus tard, en octobre 2021, le groupe Facebook (qui a racheté les applications Instagram et WhatsApp en 2012 et 2014) est renommé Meta pour mieux correspondre aux ambitions de Zuckerberg en termes de Metaverse (des ambitions qui semblent désormais abandonnées pour se concentrer sur l’IA et la réalité augmentée). En septembre 2023, Facebook est toujours le réseau social n°1 dans le monde avec les alentours de 3 milliards d’utilisateurs mensuels. Mais le groupe a mauvaise réputation suite à des scandales à répétition et il connaît depuis 2022 une baisse de son CA (ce qui a provoqué le renvoi de plus de 20 000 employés dans le monde). Malgré sa position de leader, le futur de Facebook est incertain à l’époque où des petits réseaux sociaux émergents comme TikTok connaissent une progression fulgurante (passant de 0,3 milliard d’utilisateurs mensuels en 2018, à 1 milliard en 2020, puis à 1,5 milliard en 2022). Mais c’est également la figure (de moins en moins) publique de Mark Zuckerberg qui a été abîmée avec les années, en passant de l’adolescent cool mais arrogant en jogging au chef d’entreprise presque inhumain, froid et calculateur, dont on se moque en prétendant qu’il ne cligne jamais des yeux.

La réputation d'Elon Musk s'est effondrée à toute vitesse alors qu'il n'a rien changé à son comportement

S’il y a bien un entrepreneur star dont l’image publique s’effondre presque aussi vite qu’elle n’a mis de temps à émerger auprès du grand public, c’est Elon Musk. D’origine sud-africaine, l’entrepreneur a tout d’abord co-créé Zip2 au milieu des années 90, un service de cartes et guides citadins à usage commercial qu’il a revendu en 1999. Plus tard la même année, grâce à l’argent de cette revente, il fonde la société X.com qui propose des services financiers et du paiement en ligne. L’année suivante, X.com fusionne avec son concurrent PayPal qui est revendu à eBay en 2002. Cela rapporte plus de 175 millions de dollars à Musk, qui en réinjecte rapidement 100 pour fonder la société Space X, dédiée au transport spatial, la même année. Musk devient également l’actionnaire majoritaire du fabricant de voitures électriques Tesla (qu’il n’a pas créé) en 2004. Il confonde Neuralink en 2016 dans le but de créer des systèmes qui facilitent la communication directe entre le cerveau humain et la machine. En 2017 il fonde The Boring Company dans le but de construire des tunnels souterrains afin de solutionner les problématiques de plus en plus liées au transport routier. Vu jusque-là comme un homme d’affaires aussi brillant que fantasque par le biais de son franc-parler et de sa propension à partager des avis tranchés sur tous les sujets ainsi que du troll et des memes sur Twitter, son réseau social préféré, la balance commence à pencher dans l’autre sens lorsqu’il manifeste l’envie de racheter Twitter dès 2017.

Notons qu’Elon Musk possède sa propre fondation depuis 2001, et que celle-ci finance des œuvres de charité et de la recherche. La fondation est toutefois critiquée pour les petites sommes qu’elle distribue (selon Forbes, Musk n’a redistribué qu’1% de sa fortune personnelle), et pour son site web très minimaliste qui ne contient que 33 mots sur fond blanc.

Elon Musk a la conférence Falcon heavy de Space X en 2019
Elon Musk a la conférence Falcon Heavy de Space X en 2019

Elon Musk est nommé Person Of The Year par Time Magazine en 2021, l’année où il devient l’homme le plus riche du monde. Il rachète (ou plutôt, est forcé de racheter, suite à un engagement précipité de sa part et de nombreuses péripéties) le réseau social Twitter pour 44 milliards de dollars en 2022. Il renomme Twitter en X pendant l’année 2023, car pour des raisons sentimentales, il avait racheté le nom de domaine X.com à eBay en 2017, 15 ans après le lui avoir cédé. À partir de là, il enchaîne les prises de position de plus en plus radicales et les déclarations controversées sur de nombreux sujets politiques ou sociétaux, sans parler des décisions managériales hautement contestables au sujet du réseau X (qui, selon le principal intéressé, aurait perdu 90% de sa valeur financière en près d’un an). En juillet 2023, Elon Musk a créé la société xAI afin d’être un acteur de la recherche sur l’intelligence artificielle pour concurrencer le ChatGPT d’OpenAI (qu’il avait cofondé en 2015, mais quitté en 2018 pour éviter des conflits d’intérêts avec Tesla).

On pourrait avoir l’impression que l’image publique d’Elon Musk s’est brutalement effondrée. Sauf que la réalité est toute autre. Les déclarations contestables de l’entrepreneur ne datent pas de son rachat de Twitter. Tout comme Steve Jobs en son temps, il n’a jamais hésité à menacer, insulter ou renvoyer sur le champ ses propres employés pour une simple remarque ou une information qui lui aurait déplu. Si ses méthodes sont soudainement devenues plus visibles lors de sa prise en main de Twitter, les controverses liées à son comportement sont plus anciennes. En 2018 par exemple, il s’était fait remarquer pour avoir fumé du cannabis lors d’une interview en direct ou pour avoir traité de pédophile l’un des sauveteurs des enfants thaïlandais piégés dans une grotte inondée. En 2020, il a twitté à plusieurs reprises son scepticisme concernant la crise sanitaire, quand il ne provoque pas Vladimir Poutine ou Mark Zuckerberg en combat singulier…

Les médias faussent notre perception des entrepreneurs

Ne nous y trompons pas : l’image que nous avons de ces entrepreneurs est largement forgée par la presse, et ce, depuis le début du 20e siècle. Comme le souligne Anthony Galluzzo dans son ouvrage Le Mythe de l’Entrepreneur : Défaire l’Imaginaire de la Silicon Valley, les médias ont besoin de faire monter la sauce sur ces sujets pour vendre leurs papiers. Les dirigeants se retrouvent ainsi quasi déifiés, et associés à des termes comme « génie », « visionnaire » ou « révolutionnaire ». Cela permet de pousser la construction du mythe, et surtout de publier des articles à sensation très vendeurs lors de chaque nouvel événement concernant ces personnalités. C’est pour cela que la chute de l’image d’Elon Musk paraît si rapide, car seulement 2 ans après avoir été honoré par l’un des unes les plus prestigieuses de la presse américaine, il ne fait désormais plus parler de lui que pour ses frasques et décisions contestables. Mais la vérité réside plutôt dans le fait que le comportement du personnage n’a pas fondamentalement changé avec le temps. Ce qui était autrefois ignoré est simplement davantage mis en avant aujourd’hui, car ça fait vendre.

Mais ce storytelling, en plus d’avoir le défaut d’entretenir le mythe d’êtres surhumains aux capacités exceptionnelles, pose problème car il omet de nombreux paramètres et éléments de ces histoires. Le parcours de Steve Jobs est parfait pour des articles et écrits à sensation, de son abandon à la naissance par ses parents biologiques, à sa mort prématurée au sommet de sa gloire. Mais comme mentionné plus haut, les capacités inhabituelles de Steve Wozniak sont trop souvent invisibilisées pour nourrir le fantasme de l’homme qui s’est construit seul, en débutant dans son garage (qui n’était en vérité que le lieu d’assemblage des premiers ordinateurs Apple, mais pas l’unique lieu de travail de la société). Il en va de même pour les apports de Paul Allen aux côtés de Bill Gates, ainsi que l’entourage de toutes les personnalités citées jusqu’ici. De nombreux facteurs expliquent leurs grands succès, et parmi ceux-ci on oublie trop souvent de parler de tous les contributeurs et investisseurs qui ont été une aide précieuse sur la route du succès, car cela dessert le mythe de l’homme qui s’est construit seul face à l’adversité. On omet également de dire que Bill Gates, Mark Zuckerberg ou Elon Musk viennent de milieux très aisés et ont été grandement favorisés dans leurs jeunes années par les fortunes familiales ou les grandes écoles qu’ils ont fréquentées.

L’un des éléments qui est d’ailleurs souvent présenté comme faisant partie de l’adversité est l’État (avec ses méchants impôts et autres difficultés administratives). Pourtant, sans l’intervention de l’État, la plupart de ces entrepreneurs n’auraient pas accompli grand-chose. Andrew Carnegie a largement bénéficié de la politique nationale américaine en matière d’équipement en réseaux de chemin de fer, tandis que John D. Rockefeller n’avait aucun moyen de savoir que la consommation de pétrole exploserait lorsqu’il a commencé à investir dans ce domaine. Et il en va de même pour tous les soi-disant « self-made-men » de la Silicon Valley. Car la Silicon Valley (un terme inventé en 1971 par un journaliste californien, qui signifie littéralement « la vallée du silicium », vu que ce composant est très présent dans les transistors et les puces électroniques) n’est pas apparue par enchantement. Cette région située au sud-est de San Francisco était principalement agricole jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale où elle devient soudainement un emplacement stratégique dans la défense des États-Unis sur le front pacifique. La recherche est fortement encouragée dans le cadre de cette stratégie, et l’université voisine de Stanford en profite pour attirer des entreprises et laboratoires de recherche (notamment en électronique) pouvant profiter des programmes de l’université. C’est donc grâce à la conjonction des besoins en défense nationale et des crédits accordés au domaine de l’éducation que la vallée de Santa Clara a progressivement concentré toutes les entreprises spécialisées dans l’électronique, ce qui contribuera grandement à l’essor de l’informatique par la suite. On a d’ailleurs démontré plus haut que de nombreux grands acteurs de la tech ont bénéficié de ce qui avait été créé par d’autres sociétés pour se développer. Il y a donc une grande interconnexion entre tous ces acteurs, mais aussi une part de chance et de timing qui interviennent dans les parcours de ces entreprises et de ces hommes qui ne sont donc pas vraiment partis « de rien ».

 

Schéma décrivant le voyage du héros selon Joseph Campbell.
Schéma décrivant le voyage du héros selon Joseph Campbell.

Comme l’avait involontairement théorisé Jospeh Campbell dans son ouvrage Le Héros Aux Mille Et Un Visages publié en 1949 (qui a largement été contesté depuis pour sa méthodologie peu rigoureuse dans le but de démontrer qu’un concept est universel, alors qu’en vérité il ne l’est pas), nous sommes friands des récits mythologiques narrant le parcours d’un homme seul et parti de rien qui affronte l’adversité via de nombreuses étapes codifiées pour revenir à son point de départ en héros transformé et grandi par toutes ses expériences, au point de devenir une légende parmi ses contemporains. La pop culture s’est largement inspirée de cette théorie du monomythe pour construire des œuvres au succès retentissant comme Le Seigneur Des Anneaux, Dune, Star Wars, Retour Vers Le Futur, Le Roi Lion, Gladiator, Matrix, Harry Potter ou Avatar. Et nous avons tendance à faire comme Jospeh Campbell en son temps, en voulant faire correspondre les récits connus de ces entrepreneurs aux différentes étapes du monomythe pour mieux les élever à un stade supérieur.

Or il serait peut-être opportun de faire preuve d’un peu de retenue afin de ne pas porter aux nues des personnages qui ne possèdent pas toujours les qualités humaines et professionnelles fondamentales telles que le respect et l’écoute de l’autre, sans parler des nombreux aspects peu glorieux que nous choisissons trop souvent d’ignorer pour nourrir nos fantasmes. Mais surtout, cessons de croire que les grands succès entrepreneuriaux sont dus au parcours d’un seul homme.

 

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