L'esprit compétitif des co-fondateurs de Pass intérim pour franchir la ligne d'arrivée - Quai Alpha
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L’esprit compétitif des co-fondateurs de Pass intérim pour franchir la ligne d’arrivée

Les aventures entrepreneuriales se cachent parfois dans les rencontres les plus simples, à la croisées des chemins. Adrien Meyer et Maxime Houver sont beaux-frères. Les repas de famille ont apporté des moments de franche rigolade mais, aussi, une belle idée de startup. Ils sont les co-fondateurs de Pass intérim, une plateforme dédiée aux intérimaires qui regroupe les offres de plusieurs agences d’intérim dans un même bassin d’emploi. Les candidats postulent à un seul endroit, une simplification administrative qui leur fait gagner un temps précieux et permet aux agences de trouver des dizaines de candidats supplémentaires alors que la pénurie RH se fait ressentir.

On est au printemps 2021. Deux porteurs de projets se présentent à Quai Alpha, incubateur de startups, avec une idée : créer une plateforme d’intermédiation appelée Pass intérim, pour mettre en lien les agences d’intérim et les candidats. La promesse ? Gagner du temps pour tout le monde. Les demandeurs d’emploi ne franchissent en effet pas la porte de la vingtaine d’agence d’intérim à côté de chez eux, au maximum deux ou trois. Difficile dans ce contexte que l’offre rencontre la demande, faute d’une centralisation des informations.

Des idées similaires ont émergé un peu partout en France, dans différents secteurs d’activité. L’envie de recentraliser une offre atomisée sur le marché grâce à un outil digital apparaît souvent comme une solution magique, alors qu’elle est en réalité technique et complexe. De nombreuses startups s’y sont cassé les dents (et quelques fonds d’investissement avec elles). En effet, comment attirer les candidats au même endroit et quels moyens de communication déployer pour y parvenir à l’échelle d’un pays comme la France ? Comment ne pas créer une énième plateforme qui viendra juste complexifier l’offre ? Qui est prêt à payer pour ce service ? Arrivera-t-on à réaliser cette acquisition candidat avant d’être à court de cash ?

Loin de se laisser démonter par le flot incessant de questions et de problèmes soulevés, les deux entrepreneurs ont tenu bon, démontant brique après brique les remparts de l’infaisabilité. « On s’est fait retourner le cerveau lors de notre premier entretien dans l’incubateur mais on a senti des gens passionnés par le sujet, qui nous ont apporté des pistes de travail, alors on a voulu trouver les réponses aux questions. Peut-être qu’on n’avait pas juste, mais on avait envie », assure Adrien, appuyé par Maxime. « Nous faisons tous les deux beaucoup de sport donc on ne lâche rien. Ce qui compte c’est de viser la ligne d’arrivée, pas de penser aux obstacles sur le chemin ».

Une idée de startup lors d'un repas en famille

Les bonnes idées sont parfois au coin de la rue ou plus simplement au coin de la table. Les repas en famille le dimanche midi, Adrien Meyer les connaît bien. Cela démarre généralement par un apéritif dans le salon, parfois au coin du feu, suivi d’un enchaînement de plats en sauce autour d’une grande tablée de dix personnes composée de toute la fratrie et des conjoints. Où on parle de tout sauf de politique (quoique) et où chacun est assis symboliquement au plus près du chef de famille selon son ancienneté dans la famille. C’est comme ça qu’il a connu Maxime Houver, qui n’est autre que son beau-frère. « Au départ on ne discutait pas beaucoup mais plus on se voyait plus on se trouvait des points communs. La pratique de nos sports respectifs nous a beaucoup rapprochés », confient-ils.

Si Maxime est passionné de course à pied, Adrien est friand de tennis et de sports de combats comme le karaté ou la boxe française. « Cela m’a apporté l’humilité. Tu ne ressens plus la crainte des autres, tu ne te dis pas que tu as peur de t’en prendre une car, en réalité, tu sais ce que c’est de t’en prendre une ». A force d’échanges les deux garçons se retrouvent lors de courses et se motivent mutuellement pour se dépasser.

De fil en aiguille, les conversations entre les deux beaux-frères basculent vers leur vie professionnelle. Maxime est en freelance depuis dix ans, il en vit très correctement et cet élan de liberté inspire Adrien. « Je viens d’une famille d’agriculteurs et j’ai beaucoup de chefs d’entreprise autour de moi. A cette époque, je n’avais jamais été entrepreneur mais je partageais l’état d’esprit. C’est sans doute pour cela que je me sentais enfermé et que j’ai autant changé de métier », analyse Adrien.

Aider les autres pour s'épanouir professionnellement

Né en 1988, il a démarré comme chauffagiste après un BTS en maintenance industrielle. Améliorer l’habitat et le quotidien de ses occupants lui plaît énormément. Mais la suite de son aventure professionnelle ne va pas se dérouler comme il l’entend. « Je travaillais dans une grande entreprise nationale qui décrochait beaucoup de contrats dans la gestion des HLM. On ne nous donnait pas les moyens de réparer décemment les équipements des gens. Eux-mêmes n’avaient pas les moyens de faire autrement. Or se retrouver face à quelqu’un et savoir qu’on ne pourra pas le traiter correctement m’est insupportable », livre-t-il. Lui qui a grandi dans une petite ville de campagne en Meurthe-et-Moselle est attaché aux valeurs de solidarité, d’entre aide et du travail bien fait.

« Je voulais avoir des moyens décents pour répondre à la demande des clients. »

A ce moment-là, sa compagne poursuit des études de droit à Nancy pour devenir commissaire de justice. Il décide de la suivre, la soutenir et lui apporter le soutien logistique dont elle a besoin pour atteindre cet objectif ambitieux, n’hésitant pas à organiser avec elle un planning entier de révisions sur toute l’année précédant son concours. « Elle est tombée enceinte quelques semaines avant l’examen, on s’est dit qu’il fallait impérativement qu’elle l’ait », se souvient-il. En parallèle, son papa subit une grave dépression, ce qui l’incite d’autant plus à changer de travail et à se rapprocher de sa famille. La stabilité professionnelle devient alors centrale. « Je revois ma mère me tendre un bout de journal pour passer des tests pour devenir conseiller bancaire. Je me suis dit pourquoi je ne ferais pas de vraies études pour aller en banque ».

Il quitte un CDI en banque pour aller travailler à Pôle emploi

Il est admis et exercera plusieurs années auprès des particuliers. Il rejoint d’abord une agence dans une petite ville de campagne, à l’état d’esprit familial. Certaines pratiques à plus petite échelle annoncent pourtant déjà les limites qu’il va rencontrer à Belfort, lors de sa mutation. « Les produits que l’on vendait étaient particulièrement lucratifs… sur les pauvres ! Ils subissaient les retards de paiement et pénalités, ce qui les enfonçait encore plus. Je les voyais dans ce cercle vicieux qui nous rapportait de l’argent, ce n’était pas aligné avec mes valeurs. J’ai besoin d’être à l’écoute des personnes pour leur proposer des solutions adaptées », tranche-t-il. Toute sa famille lui rétorque qu’il est fou de quitter un CDI. On est en 2011 et la crise économique a échaudé plus d’un esprit.

Adrien Meyer lors d'une présentation du projet Pass intérim devant un comité de financement

L’idée de se sentir bien dans son travail l’emporte, il démissionne. C’est ainsi qu’il passe pour la première fois de sa carrière les portes de Pôle emploi. Il ne le sait pas encore mais ce bout du chemin va changer la suite de son destin professionnel. Il rencontre une psychologue du travail, qui confirme son besoin d’aider les autres, les accompagner, avec une certaine culture du résultat et de l’action. Elle lui lance « Vous devriez venir travailler chez nous ». Adrien la prend au mot et postule à Pôle emploi.

Il se découvre alors une vocation pour l’accompagnement, « sans avoir à vendre quoi que ce soit ». Pour autant, il faut être à l’écoute des besoins. Bref, de la clientèle. « C’est un juste milieu entre l’empathie et la prise de distance, sinon on se laisse dévorer. Mais les gens attendent une épaule, un soutien, un besoin de reconnaissance plus qu’un CV », observe-t-il, presque dans une posture de coach.

Souvent, des intérimaires passent la porte et Adrien note que les démarches pour postuler dans plusieurs agences d’intérim sont lourdes, redondants, peu optimisées. Les candidats ne vont pas au bout. C’est ainsi que née l’idée de Pass intérim.

Maxime Houver, le chemin de l'autodidacte

Et vous, pouvez-vous citer les trois rencontres qui ont changé votre vie ? Maxime a longtemps été fâché avec l’école. « Je démarrais à la rentrée avec 9,5/20 pour arriver péniblement à 10,5/20. Je n’étais pas assez attentif et je ne voyais pas à quoi servait ce que j’apprenais. Donc je n’avançais pas », déplore-t-il.

De nature plutôt discrète et solitaire, il a grandi dans un village à côté de Sarrebruck, comme il le décrit lui-même dans une « philosophie germanique ». Comprenez rigoureuse et carrée. Après le divorce de ses parents, c’est son père qui l’élève. Autour de lui, ses proches exercent plutôt des métiers techniques et manuels, notamment son frère de sept ans son aîné qui travaille dans le bois. « Enfants nous n’étions pas très proches en raison de notre différence d’âge. Mais en grandissant c’est devenu mon mentor, mon guide », explique Maxime. Le ton est parfois un peu rude mais peu importe. Le but est d’être sur les rails.

« De toute façon t'as pas le choix, c'est la vie. »

En terminal, la scolarité de Maxime ne s’annonce pas plus florissante. « Je suis allé en S car j’étais très mauvais en français et les seules matières à peu près passables c’était les maths et la physique ». Son frère décide de provoquer une discussion, un électrochoc, en lui assénant qu’en continuant ainsi il finira réellement sa vie et pour longtemps dans quelque chose d’inadéquat. Donc d’insupportable. La parole n’est pas neutre, l’effet miroir non plus. « Il m’a dit de toute façon t’as pas le choix, c’est la vie ».

Son père décide de lui payer des cours particuliers pendant quatre mois, avec une ingénieure chinoise. « Elle m’a inculqué la réflexion de la matière, à quoi servait ce que j’apprenais. Je suis devenu le meilleur de ma classe en Physique », se souvient-il, encore stupéfait. Là où ses petits camarades galèrent pendant des heures, ils ressort au bout de vingt minutes, et obtient quasiment son bac avec mention.

Maxime Houver, co-fondateur de la startup Pass Intérim.

En parallèle, il s’inscrit en option arts plastiques, matière dans laquelle il excelle. « Mon grand-père était peintre, il a réalisé des tableaux sublimes. C’est de là que j’aime bien dessiner », reconnait-il. Autre temps, autres moeurs : il découvre des logiciels de dessin et se forme sur sketchup, en autodidacte. Sans doute la meilleure méthodologie qu’il s’appliquera par la suite.

L’année du bac est décidément celle des rencontres. Pendant l’été, il travaille dans l’entreprise de son père comme magasinier. Le jeune homme se prend au jeu de l’inventaire, préparant les conteners en partance pour les chantiers, friand des initiatives pour solutionner le matériel manquant. Un électricien de l’entreprise lui demande ce qu’il veut faire plus tard et le prévient : « Sois sérieux à l’école, sinon tu te retrouveras comme tous les gens qui travaillent ici. Ca va te faire chier ». Décidément, les hommes de son milieu semblent bien pressés de lui offrir une autre vie. Il l’interpelle « Qu’est-ce que tu aimes faire quand tu rentres chez toi ? » Les bonnes personnes, la bonne question.

Il pirate des films et découvre les métiers de l'animation

Après cette discussion avec l’électricien, il rentre chez lui et cherche tous les métiers en lien avec le cinéma. Fidèle à la génération Y à laquelle il appartient, Maxime n’échappe pas au téléchargement illégal de films, sur fond d’ordinateur qui ventile à grande peine affichant plus de deux heures d’attente. Passionné de cinéma d’animation, il grave des DVD, prépare de belles pochettes et passe des heures devant son écran. Un champ entièrement nouveau s’offre à lui. « Je suis tombé sur animateur 3D, je ne m’étais même pas posé la question de qui créait les films que je regardais ».

Après l’ingénieure chinoise et l’électricien, son examinateur du bac en arts plastiques va, lui aussi, provoquer un déclic. L’examen se déroule en deux parties : le projet réalisé dans l’année et une partie théorique sur l’histoire de l’art, qui ne sera finalement jamais abordée. « Il s’est passionné pour mon projet et moi j’ai découvert qu’un adulte était capable de m’écouter alors que d’habitude personne ne voit que l’animation c’est un métier. Je n’avais jamais parlé de ça à qui que ce soit », décrit Maxime, projeté en 2012, époque où les métiers du numérique tenaient une place bien différente.

Dans la vie tout se goupille toujours bien, sans qu’on provoque les choses

Même si ses parents sont loin de Paris et de cet univers, aucun d’eux ne questionne son choix. « Ces écoles coûtent très cher, il fallait payer ne serait-ce que pour postuler. Pourtant mon père ne m’a jamais rien dit. Il m’a même accompagné ». Pour entrer, la concurrence est rude, le niveau en dessin aussi. « Ils voulaient des artistes qui savaient déjà dessiner ». Maxime comprend qu’il préfère concevoir, imaginer, pas réaliser. C’est justement ce que propose E-Artsup. L’exercice d’entrée ? Dessiner une main. « J’étais mauvais en dessin, si je misais sur l’esthétique c’était mort. Il fallait un message. J’ai dessiné une main qui dessinait une main moche et j’ai été pris ». Son cousin rend son appartement au même moment. « Dans la vie tout se goupille toujours bien, sans que tu provoques les choses », philosophe-t-il, serein.

A 17 ans, Maxime quitte sa province natale pour l’aventure de la capitale. La semaine il vit à mille à l’heure avec ses potes de promo et rentre dans sa famille les week-end. Il aide son frère pour faire du bois de chauffage. Le rythme de l’école n’est pourtant pas léger. « Je pensais avoir tout donné pour le bac, j’étais loin du compte. J’ai découvert qu’on pouvait travailler la nuit », affirme-t-il, se réorganisant bientôt pour ne plus avoir à subir ça. « Sur cinq ans, je fais partie du faible pourcentage d’élèves sans nuit blanche en rendant mes travaux en temps et en heure », précise-t-il. La première année un tiers de la promo abandonne; à la fin du parcours ils n’en reste que dix.

Lui veut devenir motion designer, ce qui consiste plus à concevoir qu’à appliquer. C’est du graphisme, dans lequel on pense le sens des objets, le sens des couleurs et la signification des symboles. « Les autres écoles forment de bons techniciens mais ce sont des exécutants. Moi ce que j’aime c’est avoir cette idée différenciante, ce petit truc original ». Son père le soutient, même si ce que lui montre son fils semble appartenir à une toute autre réalité.

Dès sa première année les stages sont obligatoires, il reste à Paris dans une grande chaîne de télévision pour faire les bandeaux, les génériques entre les pubs et des bandes annonces sur la guerre. En deuxième année, il passe dans une agence de communication. « C’était génial, j’y ai appris l’esprit d’équipe. Je suis devenu chef de projet et c’est cette même agence qui m’a donné mes premiers contrats en freelance », souligne-t-il. A la fin de sa cinquième année, il a l’opportunité d’être embauché dans plusieurs agences mais décide de rester freelance. Il le sera finalement pendant dix ans. « Je n’ai jamais eu de CDI de ma vie mais je l’ai toujours bien gagnée. J’avais du temps libre donc on a ouvert une exploitation forestière avec mon frère », explique le chef d’entreprise, qui a ce luxe de pouvoir travailler à distance depuis toujours. Pendant quatre ans ils travaillent ensemble, mais Maxime reçoit de plus en plus de demande clients pour du motion design.

L'équipe de Pass intérim a été invitée en Allemagne pour collaborer avec d'autres plateformes dédiées à l'intérim.

Lorsque sa compagne a une opportunité professionnelle dans le Doubt, il décide de la suivre. « Je n’aurais jamais cru pouvoir partir de chez moi. J’y suis très attaché et c’est une mentalité que j’ai du mal à retrouver ailleurs. Même pour faire la fête je ne vais jamais en France mais en Allemagne, ça n’a rien à voir », glisse-t-il dans un sourire. Mais il est aussi temps pour lui de prendre son envol et de laisser de la place à sa propre volonté entrepreneuriale, loin du giron familial. Il reprend à son compte l’adage de préférer les remords aux regrets. « C’est aussi cette décision qui a permis de laisser de la place pour un projet comme Pass intérim ».

Depuis deux ans, les deux beaux-frères ont façonné leur propre aventure, dans un binôme très complémentaire. Aussi assidus que drôles, ils dessinent les contours de leur entreprise, du chemin à parcourir et des risques à prendre pour passer à l’étape suivante. Compétiteurs dans l’âme, ils font la part belle à l’audace avec une simplicité souvent déconcertante. « Rien n’est acquis, tout reste à faire », pensent-ils. Pour eux, le travail n’a décidément rien de temporaire.