La conférence Quai Alpha du 4 mai 2023 était dédiée à l’histoire de l’entreprise vosgienne In’bô qui fabrique notamment des lunettes en bois.
Le projet fou de 5 ingénieurs en bois
Lors de notre conférence du 4 mai 2023, nous avons reçu Robin Féron et Quentin Le Jannou qui sont 2 des 5 ingénieurs à l’origine de la création de la société In’bô (un nom qui signifie « en bois » en patois vosgien). Ils étaient accompagnés de Christophe Jacquemin, leur tout premier employé, afin d’évoquer les 10 ans de leur aventure entrepreneuriale via de nombreuses anecdotes. Ces 5 diplômés de l’École Nationale Supérieure des Technologies et Industries du Bois (ENSTIB) d’Épinal, passionnés de sport et de défis, ont débuté en fabricant une planche de surf et 3 paires de skis sur leur temps libre en 2013. Ces premières expériences de fabrication sont rapidement suivies par des vélos en bambou et des lunettes en bois, et c’est cette envie de manufacture d’objets fonctionnels à partir de matériaux naturels qui incite les 5 jeunes hommes à réunir leurs passions et leurs compétences au sein d’un projet commun. Ils intègrent une couveuse d’entreprise dès 2014 et commencent à faire tester leurs produits en distribuant gratuitement 200 paires de lunettes auprès de leur entourage.
L’une des premières décisions entrepreneuriales qui ait vraiment compté dans l’histoire d’Inbô a été l’internalisation des compétences et des prestataires. Les 5 fondateurs font la connaissance de Christophe Jacquemin sur un marché. Celui-ci fabrique des étuis de lunettes en cuir qui accompagnent idéalement leurs lunettes en bois. Ils lui passent des commandes, mais au bout de quelques temps il devient évident que le processus deviendrait plus efficace si Christophe disposait de son propre atelier en interne. Aujourd’hui, grâce à son expérience et son expertise, Christophe Jacquemin est responsable de la formation des nouveaux employés chargés de la fabrication au sein d’In’bô.
Des défis techniques qui deviennent une force
Lorsque les 5 passionnés d’In’bô se lancent dans la fabrication de lunettes, le bois n’est pas une matière qui est privilégiée par les acteurs du marché. Mais ils ne peuvent pas non plus ignorer les techniques développées pour les lunettes en métal ou en plastique, donc ils font l’acquisition d’anciennes machines autrefois utilisées pour l’assemblage des montures en acétate. Ce qui pourrait être perçu comme un retard technologie fait en vérité écho à l’une des spécificités de l’entreprise In’bô : la valorisation de l’humain et de son savoir-faire. C’est donc à la fois une fierté et une promesse d’In’bô qui se concrétise grâce à ces machines : l’humain continue d’intervenir lors de nombreuses étapes de fabrication, même si quelques commandes numériques ont été intégrées à certaines étapes avec les années.
Aujourd’hui ce sont 15 à 20 000 paires de lunettes qui sont fabriquées chaque année, et l’entreprise fait bien attention à aligner ses fabrications sur les commandes reçues afin de limiter le surstockage et limiter le gâchis, car le marché de l’optique reste lié aux phénomènes de modes, qui, par définition, peuvent changer régulièrement. Mais une fabrication à la commande n’est pas forcément synonyme de délai, puisqu’à l’heure actuelle, les opticiens partenaires sont livrés en seulement 4 jours grâce à une belle optimisation de la chaîne de fabrication mais aussi de la logistique qui intervient ensuite.
La nécessité de construire leur propre réseau
À leurs débuts dans le secteur de la lunette, les 5 amis ne savent pas que l’usage de commerciaux pour démarcher les opticiens n’est pas la norme dans ce domaine où sont plutôt employés des VRP multicartes qui représentent différents fabricants à la fois. Quelques-uns des jeunes ingénieurs à l’origine du projet se lancent eux-mêmes sur les routes de France afin de démarcher les opticiens en personne, et encore une fois, cette approche singulière pour ce marché va devenir un véritable facteur différenciant pour In’bô. Certains opticiens se souviennent encore de leur surprise à la vue d’un jeune homme en train de se brosser les dents sur leur parking juste avant qu’il n’entre chez eux pour évoquer sa gamme de montures en bois fabriquées dans les Vosges. Cette démarche a marqué les esprits, et cela se traduit aujourd’hui par un réseau de plus de 550 opticiens partenaires à travers la France, mais aussi en Belgique, au Luxembourg et en Suisse.
Les opticiens partenaires d’Inbô sont les prescripteurs essentiels de la marque sur le territoire. Ils sont le contact privilégié entre la marque et ses utilisateurs finaux, et c’est en développant ce réseau de confiance que les lunettes en bois se sont démocratisées sur le territoire. Dans ses premières années d’existence, In’bô a également eu l’opportunité de travailler avec des partenaires de confiance et de renommée internationale, comme par exemple lorsque Hermès, le grand acteur du luxe, a fait appel aux compétences des ingénieurs basés dans les Vosges pour concevoir une série limitée de 200 skateboards en bois. Ceci est la preuve que la qualité est l’un des leviers permettant de se constituer un réseau solide dont dépendra ensuite fortement la structure. La qualité d’un réseau est à peu près aussi importante que la qualité du produit.
Une vision tournée vers le futur
Ce ne sont là que quelques unes des nombreuses anecdotes partagées lors de cette conférence Quai Alpha, mais après 10 années d’existence, il en ressort une volonté de dépassement et d’entrepreneuriat qui n’est pas prête de prendre fin car de nouveaux défis se profilent à l’horizon. La gamme de lunettes va bientôt s’agradir avec des montures en lin dont les machines sont en cours de conception en interne. Et les spécificités de cette entreprise ne s’arrêtent pas à ses produits, car les associés se sont également mis d’accord pour que certains d’entre eux puissent prendre du temps pour voyager à travers le monde (ce qu’ils ont déjà fait pendant des périodes pouvant s’étaler sur plusieurs années) et trouver de nouvelles sources d’inspiration pour continuer à entretenir la singularité de leur entreprise et de leurs articles.
À l’issue de la conférence Quai Alpha consacrée aux 10 ans d’In’bô, j’ai demandé à Robin Féron, l’un des 5 fondateurs, de me raconter le moment où il a senti que cette aventure entrepreneuriale prenait une tournure concrète. Il a évoqué le salon Made In France qui s’est tenu en 2015 à la Porte de Versailles à Paris. Après 2 ans de débrouille, l’entreprise s’y trouvait mise en lumière, notamment grâce à ses vélos en bambou qui ont attiré l’attention d’Arnaud Montebourg, alors ex-ministre de l’Économie, du Redressement Productif et du Numérique. Robin Féron m’a confié que les excellents retours obtenus lors de ce salon lui ont fait réaliser que leur démarche était prise au sérieux. Les avis très positifs obtenus jusque là auprès de leur entourage étaient déjà encourageants, mais le fait d’être félicités par des inconnus, dont certains étaient très prestigieux, a été un véritable déclencheur qui a propulsé In’bô vers l’entreprise reconnue qu’elle est devenue aujourd’hui.
In’bô est l’un de meilleurs exemples de réussite entrepreneuriale issue des Vosges ces dernières années, et cela a été rendu possible, entre autres raisons, grâce à une période d’incubation similaire à ce que nous proposons chez Quai Alpha. Donc si vous pensez vous aussi que votre idée mérite d’être soutenue, prenez contact avec l’équipe de Quai Alpha pour devenir l’un de nos prochains projets incubés.
